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Édition 2008

Au commencement, il y a un souffle, puissant, une lente percée poétique vers le centre de la terre : le rêve en banlieue de la musique des sphères… Comme sur l’affiche de cette 25ème édition, un geste de défi pour décrocher la lune du bleu céleste. L’image d’un individu réduit à lui-même ? Pas vraiment : en 1983, la création de Banlieues Bleues relevait déjà de l’affaire collective, de courages poids-lourds, de liberté voulue et réfléchie, une drôle d’ambition. Ensuite sont venues les inventions, forcément les émotions, et la persévérance… Un souffle puissant, commun donc, et continu.

Cette musique commence souffle, devient rythme, traverse espace, corps et âmes, impose son mystère. Décoiffante souvent, déconcertante parfois, elle qui parle et se crée en présence de toutes les autres, ni muette ni prévisible et si loin du hit-parade ! Selon le mot de Sartre, comme les bananes, elle se consomme sur place, entière, vivante. Et pour l’actualité, c’est plus frais qu’un journal, écoutez : dans l’oreille des musiciens de jazz résonnent tous les bruits du temps. « Oui, mais pour qui jouent-ils ? » Franchement, la question a-t-elle un sens ?

Pour fêter sa 25ème heure, Banlieues Bleues sort le grand jeu. Pour vous, et vous aussi, cachés derrière vos canapés-télés, dans vos chambres, bars, salles à manger…. Banlieues Bleues va vous faire sortir avec une série d’événements spéciaux et intrigants, vous réveiller en mélangeant ce qui ne doit pas l’être, vous faire tourner la tête pour découvrir d’autres angles, rencontrer le tout-monde des quatre coins et Quatre chemins, et sans grosse fortune encore. Libérez-vous, par tous les moyens nécessaires !

Et sonnez trompettes ! Pour souffler les bougies, elles sont innombrables parmi les plus belles, sorties de la nuit profonde, éloquentes, intenables, rutilantes… Omniprésents, deux spectres les regardent, dont les frasques hantent à jamais l’histoire du jazz -et celle du festival : Miles Davis et Don Cherry.

Mais qui se rêve en champion de boxe ? Noble art, sport symbole depuis un siècle des enfants du ghetto, et son ring comme notre théâtre tragique… Dans les années 1900, l’Amérique déclencha une campagne d’un racisme inouï contre l’ascension des boxeurs nègres. D’où la célèbre bande-son de Miles pour un film sur le champion Jack Johnson, ici recréée deux fois. Nombre de jazzmen sont fans de boxe et le prouvent dans ce programme, pas du genre à rester dans les cordes.

Justement, tant de cordes électriques, comme un fil rouge ; une trainée de guitares les plus hétéroclites exerce un solide champ magnétique, sans compter Jimi Hendrix, lui-même invoqué en version acoustique par trois contrebasses hors-pair.

Puis faîtes entrer les poètes : les derniers d’abord, qui furent les premiers rappeurs, et leurs successeurs… Les auteurs en majuscules, Fanon, Glissant, ceux qui jouent avec les mots, les kids de Saint-Ouen et les ados de New York. Mobilité du verbe qui frappe comme l’éclair, clameurs des chants les plus lumineux, comme LA voix libre de la Soul, dont la venue est un vrai grand honneur.

La Seine-Saint-Denis accueille les champions et les outsiders des continents de la planète, d’Amérique du nord et latine, d’Afrique, de Tokyo, et toute l’Europe bien sûr… En bonus spécial, le nec « plus » extra, ces risques fantastiques qu’à Banlieues Bleues des musiciens mettent en jeu : Toi-même, week-end-cabaret qui ouvre des euphories de marges inouïes, ou  Subway Moon, voyage poétique et musical transgénérationnel dans les souterrains du métro, « action musicale » sans précédent entre New York et le 9.3.

Les « actions musicales », Banlieues Bleues les a mises en orbite il y aura bientôt vingt ans : des mois avant et pendant le festival, une nuée de rencontres, ateliers, master-classes, résidences, laissent dans les yeux et le ciel des banlieues des fiertés de concerts, de réelles aventures et autres traces magnifiques, qui confirment et renforcent notre humanité. Les artistes invités en sont les premiers éblouis.

C’est une nouvelle odyssée de musique que vous a préparée Banlieues Bleues : 46 groupes embarqués, 2/3 de créations ou d’inédits, 3 centaines et demie de musiciens de métier, et tellement d’autres, pour une trentaine de concerts dans 17 villes de Seine-Saint-Denis… Vous aurez 5 semaines pour la rejoindre.

After Hours, au moment de la clôture, la lune a rendez-vous avec le soleil : avec Sun Ra en mémoire, un jeune orchestre hypnotique de couleur cuivrée, puis un show spatial afro-cosmique résolument tourné vers le futur. Comme le dit un slogan célèbre du jazz : « Tomorrow is the question ! »

Xavier Lemettre,Directeur de Banlieues Bleues

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