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Édition 2005

Les commémorations de la lutte contre l’esclavage et de son abolition l’ont rappelé, la musique a été le premier lieu de l’expression de la culture noire, aussi, sinon plus important que la parole. De là ont émergé blues et jazz, avant d’autres formes de musiques, populaires et savantes (à la fois) qu’ils ont eux-même inspirées. La musique comme conscience d’une identité. Identités et musiques sous influences croisées, mélanges aux résultats imprévisibles, créolisation des cultures, vertige des généalogies.

Celle de Pouchkine par exemple: L’illustre capitaine de la littérature russe était aussi le descendant d’un esclave africain, affranchi puis anobli par le tsar Pierre le Grand. David Murray voulait réveiller le corps noir du poète, avec la musique inventée par les créoles néo-orléanais, d’où un spectacle en cinq tableaux, un événement qui ouvre aussi un territoire artistique immense, ente l’Europe, l’Afrique et les Amériques, que la suite des concerts explore et décentre à loisir.

Celle du jazz, justement, chamboulant le ragtime et la musique populaire des années vingt, quand Fats Waller déniaisait avec l’humour de Harlem les plus gluantes chansons sentimentales…Le Jazz, mûri dans les villes et de leurs banlieues, à New York où il devient moderne, puis libre (Charlie Parker vénéré par Anthony Braxton, Coltrane avec McCoy Tyner, Albert Ayler -revisité par Marc Ribot-, Charles Gayle, Steve Coleman) à Chicago (la « Great Black Music » sur trois générations et quatre groupes pour les 40 ans de l’AACM), en Europe où il se transforme (Evan Parker, Lubat, Sclavis, Gustafsson, Henriksen), en France et dans le monde … Le jazz qui coontinue à faire des petits qui gransissent vite (les Belmondo, Benoît Delbecq, Otomo Yoshihide, Laurent Dehors) ….

Aux origines, bien sûr le blues, mais lequel? Celui du Mississipi, ou de ses racines – le blues tamashek -,celui des faubourgs (ah l’accordéon…),des bas-fonds de Buenos-Aires (Lunfardo), ou celui de Messieurs les Anglais (John Mayall, père du rock électrique)? Liens de filiation, correspondances, ressemblances, différences, peu importe.La musique peut surgir dans tous les coins du monde, ni formatée, ni cloisonnée, créative. Authentique dans ses relations avec la société, elle ne demande qu’à être partagée… C’est cette bonne nouvelle, cette corne d’abondance que Banlieues Bleues continue de célébrer, en se préoccupant autant du plaisir que de la découverte.

Le plaisir, cette année, d’honorer en grande pompe le Brésil, pays de toutes les musiques, de la samba des favelas au coco du Pernambouc, du pagode au choro, et de tous les musiciens, Nana Vasconcelos, Vinicius Cantuaria, Tom Ze… Et le voyage s’offre un prélude trans-amazonien, avec la découverte de l’incroyable modernité du kawina, de l’aleke et du reggae des Marrons de Guyane. Car des meilleurs développements musicaux en date, ceux qui ne sont pas volatiles se trouvent autant dans la négation ou l’abolition des frontières (savant/populaire, urbain/rural,
traditionnel/contemporain…), que dans les fusions esthétiques les plus abouties (Spring Heel Jack, Yohimbe Brothers, Antibalas).

La ‘jungle’ de Banlieues Bleues ne s’arrête pas aux concerts, où, à la recherche d’émotions ou de bonnes vibrations, on trouvera de nombreuses occasions de s’enthousiasmer. Elle abrite sur son vaste territoire un réseau de rencontres tous azimuts, avec les artistes invités. Ces’actions musicales’ exaltent la créativité et le partage, depuis les ateliers où chacun peut participer (en qualité de percussionniste, chanteur, apprenti journaliste, photographe, instrumentiste, facteur d’instruments ou simple auditeur) jusqu’à des créations collectives qui marquent les esprits, et tracent de lumineux sentiers vers la découverte des autres, en musique et en société.

Xavier Lemettre, Directeur de Banlieues Bleues

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